Le corps ankylosé. Le cerveau calcifié par des assauts cathodiques. Remplir mon vide en remplissant mon bide.
Les poings serrés dans un sweat logoté comme un camion volé. Des Converse chéries, qu’adolescent j’aurais jamais voulu porter. Streetwear : du canap’ à la rue sans la prise de tête du dressing. Une coupe de veuch’ de joueur de foot pour fendre l’air.
Passer par les mêmes trottoirs, les mêmes places, tracer dans la même foule. Poser mon uq et mater le spectacle de la défonce au shopping. Ça claque de la thune, ça craque pour de la sape, des phones smart. J’me fous de leurs gueules, me fous de ma gueule, de la mode : le prêt à porter l’uniforme.
Me foutre dehors. Prendre l’air, ses particules fines, me prendre la tête avec une philo de comptoir. Mon rituel pour me revoir dans l’achat d’un autre. Ex jouisseur de la grande surface, de la boutique place to be. Jouisseur au sexe ramolli par le doute, j’me suis viré de la fête.
Avoir pour être sous influence. La marque portée sur la peau. Devenir un client heureux taillé dans la masse, se fondre avec de la classe. De la pub qui soûle, qui tape comme un alcool fort, histoire de naviguer peinard à la surface des choses.
Méphistophélès ? La théorie du complot ? J’ai gaspillé mes neurones. Les questions qu’elles aillent se faire foutre, putain, je porte les fringues d’un autre ! Elles puent l’arnaque, m’enferment comme dans une taule. Il est temps d’arrêter de me la raconter, le temps d’écrire mon propre récit.
Candide vous emmerde. Je n’ai plus de temps de cerveau disponible. J’ai tranché, je vais régler mon compte, dire bye bye au client qui démarre au quart de tour, carbure au sucre du désir. Mystique devant ma page blanche, je suis l’élu, mon créateur.
Le crayon bien taillé, ma face dans le reflet d’un miroir. Me voir pour la première fois, voir la pliure au travers du visage. Des années passées à me laisser porter, je porte la signature d’une copie faite au stencil et je l’ai en travers de la gueule.
Une place au sein du corps social, l’ordre public comme paternel. Rien de tel qu’une famille pour affronter la solitude. Une famille pleine de secrets, d’interdits. Je ne sais pas qui je suis mais j’en fais partie, cerné par mes portraits crachés par un mimétisme fertile.
Vouloir laisser tomber le costume. Se dévêtir pour se tenir nu devant tous ces cous aux cols amidonnés. Nu pour se faire face. Se tirer sans savoir où aller, sans savoir quoi faire et sans rien dans son froc…et rentrer se rhabiller.
Convié à la fête de mes désillusions sans avoir avaler la pilule, je n’peux même pas déprimer tranquille. Un verre levé à la soif que je n’étancherai pas, un autre pour ceux qui trinquent, fixés par le cliché de la crise de la quarantaine. Me rasseoir et rallumer la téloche dans un salon pour un long séjour. Tenir une bière sur mon ventre comme sur un comptoir, un zinc pour refaire le monde et remplir mon vide en remplissant mon bide.